Un roman fort, qui nous transporte entre deux guerres, de 1870 jusqu'à l'été 1914, dans une Lorraine coupée en deux, entre un Nancy libre et un Metz annexé. Pompey, petit village d'une centaine d'habitants, situé tout près de la nouvelle frontière allemande, dans un monde rural avec ses animaux, ses vergers et ses vignes à flancs de coteaux ; cette bourgade calme et tranquille va se transformer en une ville, en entrant de plein fouet dans l'ère de l'industrialisation avec l'arrivée des aciéries et de son monde ouvrier. Un paysage défiguré et un ciel empli des fumées de la fonderie qui marche à plein rendement en fournissant à Gustave Eiffel les éléments nécessaires pour la construction de sa tour ; le noir de suie du chemin de fer en pleine expansion, la disparition des saumons dans les eaux de la Moselle et les constructions à tout va qui vont absorber tous les terrains qui verdoyaient de la plaine aux collines ; voilà le nouveau panorama de cet endroit où il faisait bon vivre. C'est aussi la mise en place des syndicats, les revendications, les premières grèves, les réunions politiques en vue des municipales, la disparition des foires, des marchés et petits commerces au profit des premiers supermarchés qui tendent vers une société de consommation.
Le tout à travers une famille d'irréductibles Lorrains, de l'arrière-arrière-grand-père à l'arrière-arrière-petit-fils ; une belle saga que l'auteur nous conte. Une famille qui a conservé sa maison sur les hauteurs de Pompey, véritable balcon qui était accroché au milieu des vignes, avec vue sur la boucle de la Moselle et la Gueule d'Enfer où la Meurthe se joint à elle, avec son allée de mirabelliers, son potager et son jardin de fleurs, admiré plus tard par Emile Gallé et Louis Majorelle qui s'en inspireront.
Une demeure maintenant enclavée entre les constructions d'immeubles toujours plus nombreux. Dernier havre de paix où la famille Muller essaie de rester soudée malgré les différends. Des hommes et des femmes qui vont jouer un grand rôle dans la vie de la commune, les Collin, les Evrard et les Muller des gens du cru.
Un bel ouvrage à lire qui nous fait voyager dans le Département de la Moselle occupée jusqu'à celui de Meurthe et Moselle vers Nancy ou Toul en passant par les communes annexées ou limitrophes de la nouvelle frontière, Gravelotte, Ars sur Moselle, Jouy aux Arches, Pagny sur Moselle, Mars la Tour, Pont à Mousson et ses fonderies, Frouard et ses hauts-fourneaux, Champigneulles et sa Brasserie etc.
Bien sûr des endroits et une route que je connais bien puisque j'ai grandi dans une ville minière (mines de fer) Jarny en Meurthe et Moselle à 20 km de Metz et suis née à Toul 54.
Merci à l'auteur dont j'ai appris le décès en 2021, un journaliste, ex-Rédacteur en chef de l'Est Républicain de Nancy, quotidien bien connu des Lorrains, un Monsieur que j'ai côtoyé début 2019 au centre de rééducation de l'hôpital de Neufchâteau où nous étions tous les deux en soins.
José