Encore un roman qui nous transporte dans un lieu qui je l'avoue, m'attire et que j'aimerais visiter, m'étant essayée personnellement et humblement, à la poterie et au raku en particulier, j'ai nommé l'atelier de céramique de Sant Vicens à Perpignan. Lieu de travail pour les professionnels mais aussi de dilettante et de distraction où la création laisse libre cours à l'imagination.
Pour les 80 ans de la création de cet atelier de céramique de Sant Vincens par Firmin Bauby, Hélène Legrais a eu envie de célébrer cet anniversaire, par le biais d'un roman nous faisant découvrir cet endroit extraordinaire et coloré, connu à l'époque de tous les artistes (peintres, musiciens, chanteurs, cinéastes, acteurs, écrivains et bien d'autres) où elle y implante ses principaux personnages. Un ouvrage qui évoque les grandes heures des années 50, dans lesquelles un vent de liberté, d'excentricité et de folie mettait en avant l'art moderne.
C'est ainsi que ses protagonistes, dont un couple de retraités, André et Suzanne Escande, voisins de l'atelier, vont côtoyer, mais non sans mal, du moins pour lui, aussi bien Jean Lurçat, Picasso, Salvador Dali que Charles Trenet ou Catherine Deneuve, Jacques Perrin ou encore Roger Vadim, figures emblématiques qui ont participé à faire de cet endroit, un lieu incontournable et ont contribué à sa renommée internationale.
Ce couple particulier sans enfant, lui ancien prof de maths acariâtre, égoïste que rien ne doit déranger, bougon et sans cesse plongé dans ses réflexions pour résoudre ses équations où seule la logique est reine, ne supporte aucun débordement et aucun bruit. Elle, femme au foyer, effacée et soumise se retranchant dans sa pièce-lingerie pour y coudre, repasser en écoutant la radio de façon à ne pas le contrarier ; ouverte aux autres, elle étouffe dans son couple. Aussi le jour où elle franchit le pas et s'initie à la poterie en cachette de lui, elle renaît.
L'auteure souligne particulièrement la façon de vivre de l'époque, la femme au foyer, l'homme seul maître à bord, mais pas que, elle s'emploie également à nous faire porter un regard tolérant sur la différence, en évoquant l'homosexualité où en nous traçant le portrait d'une enfant pas comme les autres, atteinte d'autisme qui s'avérera être un lien essentiel entre tous.
Une histoire belle, simple avec des moments de douceurs, de tendresse pour cette petite fille qui n'a d'yeux que pour la façade de céramique façonnée par Jean Lurçat, et qui vient chaque jour à heures fixes plonger son regard pendant des heures, toujours avec le même rituel que chacun a remarqué, en suivant l'allée de coquelicots. Une parenthèse s'ouvre alors dans cette effervescence qui se met au calme le temps de sa présence, pour ne pas la perturber ni l'effrayer et, une nouvelle énigme pour le vieux professeur qui tente d'en déchiffrer la logique et fend sa carapace au point de franchir le pas de l'autre côté.
L'alchimie va-t-elle, là aussi, opérer ?
Bravo Hélène qui a l'art et la manière de nous faire vivre et palpiter à chacun de ses romans, dans des endroits bien particuliers en nous faisant remonter le temps et où l'on se transporte avec plaisir et curiosité. Un réel témoignage du passé qui met en valeur ce merveilleux et singulier établissement et tous ceux qui l'ont créé, animé et le font vivre encore aujourd'hui. Endroit mythique où l'art et l'alchimie attirent les plus grands.
Un grand merci Hélène pour ce merveilleux roman instructif, pour le petit cadeau issu de l’atelier qui l’accompagnait, merci aux Editions Calmann-Lévy et à Doriane en particulier pour son envoi en SP.
José